vendredi 29 février 2008

Les dessous du biodiesel argentin

Les investissements réalisés en 2007 dans l’industrie des biocarburants ont permis à l’Argentine de devenir un des principaux producteurs mondiaux de biodiesel.
La mise en marche d’usines devrait porter la capacité de production à 1, 3 million de tonnes en 2008, permettant ainsi à l’Argentine de prendre 6% du marché mondial. La production est largement destinée à l’exportation avec pour principaux clients les Etats-Unis et les Pays-Bas.
L’Argentine, à la différence de l’Europe avec le colza ou de l’Asie du sud-est avec l’huile de palme, élabore son biodiesel à partir d’huile de soja.
Premier producteur mondial de cet oléagineux, le pays a tout de suite vu dans le biodiesel un moyen d’ajouter de la valeur à la production primaire. Mais la hausse spectaculaire des cours mondiaux du soja ces derniers mois a changé la donne annulant ainsi toute forme de rentabilité. Cette conjoncture compliquée n’a pourtant pas remis en cause la construction des divers projets d’usine (une dizaine pour 2008), bien au contraire.

Comment un produit peut-il susciter un tel intérêt alors que sa matière première, l’huile de soja, se négocie à des prix plus élevés (plus de U$D 1000/Tn contre U$D900/Tn de biodiesel) ?

Système de subventions indirectes
La transformation de l’huile de soja en biodiesel est en fait un moyen de contourner les taxes d’exportation. Tandis que l’huile de soja est imposée à hauteur de 32% pour accéder aux marchés internationaux, le biodiesel ne l’est qu’à 5%. Il bénéficie également d’un rabais sur les exportations de carburant, réduisant ainsi les taxes douanières à 2,5%.
Les coûts de transformation apparaissent marginaux au vu de cette réduction spectaculaire, d’autant plus que les grands groupes leaders dans la production d’huile de soja (AGD, Vincentin, Dreyfus) possèdent déjà toutes les infrastructures portuaires nécessaires. Il leur suffit simplement d’ajouter à l’unité de «crushing» existante, une usine de transformation pour ainsi profiter des déductions qu’offre le biodiesel. Si les biocarburants américains sont subventionnés à hauteur de U$D 0,26 par litre, le biodiesel argentin est lui soutenu par un système de subvention indirecte qui a largement contribué à développer le pôle de production de Rosario (1er port du pays).

Position du gouvernement argentin
Des doutes subsistent sur le comportement à venir du gouvernement argentin sur ce thème. Si ce dernier n’a pour le moment pas jugé bon d’augmenter les taxes à l’export des biocarburants, les sommes colossales que vont générer les exportations de biodiesel pourraient encourager l’administration de Cristina Kirchner à revoir la politique de rétention et mettre ainsi un point final à la stratégie de contournement des industriels du soja.

Sources: La Nación

mardi 26 février 2008

Adecoagro Part. 2: Rien ne se perd, tout se transforme

Que peut-on faire avec 500.000 tonnes de maïs, 50.000 vaches laitières et U$D 500M d’investissement? Adecoagro se lance actuellement dans une entreprise agro industrielle sans précédents en Argentine. Axé sur la production conjointe d’éthanol et de produits laitiers, son concept agro énergétique intégré révolutionne les modes traditionnels de production. L’envergure de l’investissement ainsi que les procédés technologiques impressionnent dans un pays où l’élevage extensif familial est la norme. Une première unité pilote employant 4000 vaches laitières entre bientôt en fonction à Christophersen (sud de la province de Santa Fe).

Détails
Le maïs issu des différentes « estancias » d’Adecoagro est voué à la production d’éthanol. Les résidus de la transformation sont ensuite destinés à l’
alimentation des vaches laitières. Leur lait sert enfin à la confection de produits laitiers à haute valeur ajouté (lait en poudre et fromages). Jusque là un projet ambitieux mais somme toute assez classique. L’aspect le plus novateur réside dans la valorisation du biogaz d’origine bovine. Le méthane issu du traitement des déjections est utilisé pour alimenter en énergie le système d’élevage, l’usine de production d’éthanol ainsi que la fabrique de produits laitiers (voir schéma ci-dessous). Ce projet s’inscrit au sein du partenariat « Méthane aux marché », une initiative multilatérale dirigée par les États-Unis réunissant des groupes des secteurs public et privé en vue de promouvoir la récupération et l'utilisation du méthane comme source d'énergie propre.

Au final, ce concept permet la production à un coût réduit d’éthanol et de lait en poudre, deux produits dont la demande mondiale n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années. Situées dans la province de Santa Fe, les différentes unités seront proches des ports du fleuve Paraná, garantissant ainsi un accès direct aux marchés internationaux.

Les bénéfices du supercycle des soft commodities
Si les acquisitions agricoles réalisées dans le passé par des investisseurs nord-américains en Amérique Latine ont souvent été assimilées à de la spéculation, le contexte actuel est tout autre. Les perspectives à moyen-long terme rassurantes (voir article supercycle) réduisent la prise de risque et encouragent les super investissements. L’ajout de valeur à la production primaire via la mise en place de projets agroindustriels d’envergure, telle que celui-ci, témoigne d’une confiance dans l’avenir des soft commodities.

Prochaine note Adecoagro : Retour sur l’affaire Sancor


lundi 25 février 2008

BNP Paribas sur les soft commodities

Le mois dernier, BNP Paribas a ouvert au public le premier fonds spécialisé sur les denrées agricoles. Parworld Agriculture donne accès aux particuliers aux cours des matières premières agricoles. Il est exposé à deux indices, le Dow Jones AIG Agriculture centré sur les soft commodities et le S&P Goldman Sachs Agriculture and Livestock comprenant en plus du bétail. Le succès est au rendez-vous puisque Parworld Agriculture affiche une hausse de 11,8% depuis le 1er janvier 2008. (Source: Boursorama)

vendredi 22 février 2008

Drone des champs

Aux Etats-Unis ou en Argentine, on a souvent recours à la pulvérisation aérienne pour appliquer engrais foliaires et pesticides sur les cultures. Cette activité s’avère particulièrement dangereuse. Les accidents sont fréquents et mortels dans 8 cas sur 10 du fait de la basse altitude qu’implique l’exécution de la tâche.


Si l’usage des drones (avions sans pilote) dans les opérations aériennes à caractère militaire est bien connu,
l’application de cette technologie au monde agricole l’est beaucoup moins. Jorge Falcon, un argentin passionné d’aviation, travail depuis dix ans sur un prototype de drone pulvérisateur, l’AG 300. Il a également développé un logiciel capable de programmer le plan de vol de l’appareil.

Quels sont les avantages par rapport à la pulvérisation aérienne classique?

  • La sécurité.
  • La pulvérisation assistée par GPS est plus précise, elle permet une meilleure application du produit.
  • Les opérations peuvent se réaliser de nuit, évitant ainsi les pertes par évaporation
L'invention a récemment été primée lors d'un concours organisé par les Ministère argentin des Sciences et de la Technologie. Le prototype multipliera les tests tout au long de 2008. S'ils s'avèrent probants, la phase de commercialisation débutera dés 2009.
L'AG300 sera présenté lors du prochain Agro Expo qui s etiendra à Armstrong (Province de Santa Fe) du 5 au 8 mars. Je m'y rends pour mon travail, j'en profiterai donc pour en savoir plus sur l'engin.
Source: Revista Clarín Rural n°2, 16/02/08.

Prix records

Selon Bloomberg, les prix du soja, qui battent de jour en jour de nouveaux records, ne devraient pas s’en arrêter là. La chine devrait en importer 2,5 millions de tonnes ce moi-ci, soit deux fois plus qu’à la même période l’an passé. Ces mesures ont pour objectif de limiter l'inflation tirée par la hausse des prix des produits alimentaires, conséquence directe des perturbations de l’approvisionnement en vivres occasionnées par la vague de froid du mois dernier.

Le maïs, dont les cours mondiaux ont augmenté de 20% l’an passé, voit aussi ses prix flamber en ce début d’année 2008. Ces hausses sont principalement dues à la demande grandissante en maïs d’ensilage, source protéinique pour les élevages hors-sol du monde entier, et aussi au boom de l’éthanol, dont les prix deviennent de plus en plus compétitifs face aux augmentations du baril de brute.

Cette conjoncture exceptionnelle devrait contribuer à raviver les mouvements de révolte alimentaire de par le monde (Voir précédent post sur la crise alimentaire).

jeudi 21 février 2008

Un supercycle de 15 ans?

Hier à Londres lors de la conférence Agra Informa, l'analyste en chef des commodities chez Merrill Lynch & Co. Ltd., Francisco Blanch a déclaré que le "supercycle" des denrées agricoles pourrait durer entre 5 et 15 ans. C'est le temps qu'il faudra, selon lui pour amener les capacités de production agricole à rencontrer la demande mondiale en constante augmentation, du fait de l'effet "Chindia". Rappelons que chaque année, des millions de foyers indiens et chinois accèdent à un certain niveau de prospérité et que la demande en protéines est intimement liée aux revenus.

mercredi 20 février 2008

Une crise alimentaire d'ici 10-12 mois?

Aujourd’hui la presse mondiale a largement commenté le prix record atteint par le baril de pétrole : U$S 100,70. Le monde suit avec grande attention l'évolution du prix des hydrocarbures, craignant une nouvelle crise pétrolière. Ce thème accapare l'actualité au risque de passer à côté de problèmes plus graves.

C'est ce que suggère un récent article du Financial Times: une crise des soft commodities est proche. La forte hausse des prix du pétrole et la crise des subprimes monopolisent l’attention des analystes alors qu’un véritable choc des denrées agricoles, aux conséquences bien plus tragiques, se profile à l’horizon.

Les signes avant-coureurs ?
O
n se souvient l’an passé du grand mouvement de protestation contre la hausse du prix de la tortilla de maïs au Mexique.

Ces derniers mois ce type de manifestation fut également observé en Afrique (Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire). Il en va de même en Asie. En Indonésie, les habitants sont massivement descendus dans les rues de Djakarta en réaction aux hausses spectaculaires des prix de l'huile de palme. Au Pakistan, le doublement des prix de la farine de blé a entrainé des manifestations violentes, largement éclipsées par les troubles politiques que connait le pays en ce moment. En Chine enfin, les prix des produits d’alimentation sont victimes d’une inflation rampante, qui, si elle continuait, pourrait mener certaines couches de la société à connaitre des situations de famine.

Face à ce constat, le penseur John Robb sur son blog Global Guerillas évoque la possibilité d’un «Cygne noir» (théorie développée par Nassim Taleb, décrivant un évènement rare et inattendu aux conséquences désastreuses tels que la crise de 1929 ou encore les attaques terroristes du 11 septembre 2001). L’auteur du bestseller «Brave New War» estime que de nos jours la seule superpuissance aux commandes est le marché global non régulé, entité au comportement capricieux et imprévisible. la crise des subprimes fut un premier exemple. Celle des soft commodities pourrait en constituer un autre, mais cette fois-ci les conséquences seraient d'une toute autre ampleur.

Vertical Farm

Des gratte-ciels pour produire fruits et légumes au cœur des villes ? Même si l’idée peut paraitre utopique aux premiers abords, la ferme verticale présente un projet alternatif de production pertinent à l’heure où l’augmentation de la demande mondiale en aliments soulève le problème la disponibilité des terres agricoles.
Dickson Despommiers, professeur en sciences environnementales à l’université de Columbia murit ce modèle d’agriculture urbaine depuis 6 ans. Il détaille sur son site verticalfarm.com un concept durable de par les techniques utilisées et la proximité entre la zone de culture et le consommateur final.


Rendement record et autonomie énergétique

Les cultures en environnement contrôlé présentent de nombreux avantages:

  • La maitrise de la culture hydroponique est arrivée à un tel stade qu’elle permet d’obtenir des rendements de 5 à 30 fois supérieurs suivant les cultures. Ainsi une tour de 30 étages pourrait nourrir jusqu’à 72.000 personnes
  • Le contrôle des maladies et parasites est simplifié, on a donc moins recours aux pesticides et fongicides.
  • Ce modèle protège les cultures des variations climatiques brutales (sécheresse, gel, grêle et inondations).

En plus de la production de denrées agricoles, elle peut également traiter les eaux usées et satisfaire ses propres besoins énergétiques grâce aux dispositifs éoliens et solaires externes et à la combustion des « déchets verts » en son cœur.

Qui est intéressé ?
Même si un HOAX signalait l’intention de construire une « vertical farm » à Las Vegas pour 2010, il faudra attendre quelques années avant de voir pousser les premières tours à l’orée des mégalopoles. Dickson Despommiers estime qu’il prendra entre 5 et 10 ans à un groupe de travail réunissant économistes, ingénieurs agronomes et architectes pour trouver la meilleure façon de combiner les bonnes pratiques agricoles avec les dernières techniques de construction durables. Les premiers clients seront des pays comme les Emirats Arabes Unis (déjà impliqués avec l'initiative Masdar à Abu-Dhabi), qui voient en ce type de projet la possibilité de se racheter une image et de développer le tourisme. La Hollande et le Japon, leaders technologiques de la production hors sol, et possédant une surface agricole limitée, pourrait eux-aussi être séduits.

Irréprochabilité environnementale et coûts : deux facteurs déterminants
La mise au banc des biocarburants, et plus récemment la remise en cause de l’éolien (qui encouragerait indirectement le recours au charbon) génèrent aujourd’hui un climat de méfiance autour des technologies dites « durables ». Seuls les projets solides et irréprochables tireront leur épingle du jeu. La question des coûts de construction et de fonctionnement sera également capitale et déterminera si la ferme verticale restera ou non au stade des images futuristes.

lundi 18 février 2008

Adecoagro Part.1

Pour débuter ce blog, 3F consacre un dossier au nouveau géant de l’agroalimentaire sud américain : Adecoagro. Ce groupe d’investisseurs parmi lesquels figurent le magnat américano-hongrois George Soros, la firme américaine de gestion d’actifs agricoles Halderman Farm et le hedge fund US HBK Investments, bouleverse depuis sa création en 2002 les codes de l'agriculture locale.
A force d’acquisitions réalisées auprès de grands groupes familiaux, la holding totalise aujourd’hui près de 280.000 hectares répartis en Argentine, au Brésil et en Uruguay.

Soros, l’actionnaire principal, nourrit de grandes ambitions quant à ce projet. Il entend faire d’Adecoagro un leader agroalimentaire d’envergure mondiale.

Le groupe qui s’est jusque là dédié à la production de grains (600.000 tonnes en 2006) développe à présent une stratégie d’ajout de valeur à la production primaire.
On perçoit, au fil des récents achats et partenariats, une volonté de se procurer la capacité productive et la technologie suffisante pour mettre en route des projets agroindustriels de grande ampleur. Il en ressort un positionnement sur des valeurs sûres telles que l’éthanol, le lait en poudre, le riz et peut être bientôt la viande porcine, autant de produits dont les cours mondiaux se sont envolés ces dernières années. 3F développera lors des prochaines semaines une série de 4 notes sur les projets du groupe.

Prochaine note: Rien ne se perd, tout se transforme: le modèle agroénergétique d'Adecoagro.

Introduction: un nouvel Eldorado

L'association de ressources naturelles abondantes et de coûts de production compétitifs a contribué à faire de l’Amérique Latine un acteur incontournable du commerce mondial des denrées agricoles. Le Brésil et l’Argentine représentent un nouvel Eldorado pour les investisseurs de tous bords.
Groupes agro-industriels et fonds d’investissement entendent bien tirer parti du nouveau cycle des “soft commodities” en acquérant des terres en masse, avec pour objectif d’en tirer le maximum de valeur.

Sur mes motivations
Jeune actif basé en Argentine et travaillant dans l’agro-industrie, j'ai la chance d'évoluer dans un secteur en pleine mutation du fait de l'explosion de la demande mondiale en "soft commodities" et du regain d'intérêt pour les biocarburants. Je compte, à travers ce blog, apporter aux spécialistes comme aux néophytes les informations que la presse francophone ne mentionne pas. Soft Commodities Intelligence reviendra sur les stratégies des différents acteurs, les mouvements d’acquisition et les paris technologiques qui révolutionneront l'agriculture de demain.

Bonne lecture à tous
 

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