mardi 29 avril 2008

La guerre du biodiesel

On avait déjà mentionné sur ce blog le dumping pratiqué par les américains sur le marché européen du biodiesel. Le fameux produit étiqueté B99, est aujourd’hui au centre d’un conflit ou les lobbies du biodiesel américain et européens s’affrontent.

Depuis plus d’un an, les industriels européens du biodiesels, réunis au sein de l’European Biodiesel Board (EBB), sensibilisent politiciens locaux et membres de la Commission aux pratiques des exportateurs américains de biodiesel. Ils contestent les pratiques de « splash and dash », consistant à importer aux Etats-unis du biodiesel bon marché d’Indonésie ou d’Argentine, pour ensuite le réexporter vers les pays de l’UE, en profitant au passage d’une juteuse subvention.
Ces mois d’action ont aboutis la semaine dernière au dépôt d’une plainte officielle auprès de la Commission Européenne concernant les subventions américaines « déloyales » en faveur de ce carburant. L’EBB, qui représente 56 sociétés et associations, responsables de 80 % de la production de biodiesels dans l’UE, demande à la commission de lancer une enquête antidumping et antisubventions, afin d’imposer dès que possible des mesures compensatoires contre les exportations américaines de B99 vers l’UE.
Les dignitaires européens soutiennent pleinement l'initiative prise par l'EBB. Le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson s’était déjà fait le porte-voix des producteurs européens de biodiesel lors de son voyage à Washington en Novembre 2007. Il avait directement interpelé les parlementaires américains en argumentant que les subventions "préjudicient aussi bien l’industrie européenne que les contribuables américains". Le Ministre français de l’agriculture Michel Barnier était lui aussi passé à l’offensive lors de sa visite en octobre.

La réponse au dépôt de plainte ne s’est pas fait attendre outre atlantique. Le National Biodiesel Board (NBB), le puissant lobby des producteurs de biodiesel américain a affirmé que les effets soi-disant négatifs subis par l’industrie européenne du biodiesel n’ont rien à voir avec les exportations américaines. Les membres de l’EBB produisent du carburant provenant de matières premières plus coûteuses que les producteurs américains et le coût de ces matières premières a considérablement augmenté.
Le lobby américain déclare qu’il prévoit d’utiliser chaque ressource à sa disposition pour contrer énergiquement les allégations non fondées de l’EBB.

Sanctionnable?
Le NBB n’a pas à s’inquiéter. Il peut compter chez lui sur l’appui des parlementaires représentant les régions productrices d’agrocarburants. Pas de problèmes non plus au niveau de l’Organisation Mondiale du Commerce. Les règles de l’OMC autorisent un gouvernement à mettre en place des sanctions seulement si le produit subventionné étranger représente plus de 25% du marché. Hors, les imports de B99 américain en 2007, totalisent 1 million de tonnes, représentant ainsi moins de 20% de la consommation totale européenne (6 millions de tonnes). La marge de manœuvre de l’UE est donc plus que réduite.

Sources: Euractiv, Wall Street Journal, www.thehill.com

vendredi 25 avril 2008

C dans l'air sur la hausse des soft commodities

C dans l'air, sans doute l'un des meilleurs programmes du P.A.F a hier diffusé une émission intitulée "Les spéculateurs de la faim". Même si le titre laissait présager un réquisitoire contre l'agriculture moderne et les marchés internationaux des grains, le panel d'expert convié a vite recadré le débat. Pas trop de "Biofuels bashing", plus de vérités sur les vrais raisons des hausses spectaculaires des denrées agricoles et des émeutes de la faim qui s'en suivent. On notera aussi les interviews des dirigeants de Prim' Univert, un fond spécialisé dans les soft commoditie. La video est disponible sur ce lien.

lundi 21 avril 2008

Crise alimentaire: les prochains points chauds

A lire: le site internet du magazine américain Foreign Policy publie le classement des pays les plus exposés à une crise alimentaire majeure. Les évènements récents d'Haïti pourraient paraitre de faible ampleur en comparaison de ce qui est à venir...

vendredi 18 avril 2008

Lula ou le bon sens

Le Président brésilien Lula da Silva est l’un des rares grands dirigeants à avoir mis le doigt sur les vraies causes de la crise alimentaire actuelle. C’est lors de la récente conférence organisée par la FAO à Brasilia qu’il a rejeté le fait que les biocarburants sont les seuls coupables de la crise qui touche actuellement de plus en plus de pays pauvres. Ce discours est la réponse directe faite au rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, Jean Ziegler, qui avait qualifié de "crime contre l'humanité" la production massive de biocarburants. Lula prend la défense de l'éthanol, une composante essentielle de la stratégie de puissance brésilienne. tant au niveau de l’indépendance énergétique que des relations extérieures (la fameuse «diplomatie de l’éthanol).

Lula a présenté ce qui selon lui sont les véritables causes de cette crise majeure en évoquant l'impact négatif de l'augmentation du pétrole sur les coûts de production, argumentant ainsi que la crise est avant tout énergétique.
Mais c’est surtout les subventions et le protectionnisme dans le secteur agricole pratiqués par l’Union Européenne et les Etats-Unis qu’il a lourdement condamné. Selon le président brésilien, ces barrières douanières empêchent tout pays pauvre de développer une agriculture pérenne basée sur les exportations. La résolution de ces problèmes de libre échange est fondamentale pour remédier aux problèmes actuels sinon "à chaque émeute, on se retrouvera à envoyer des rations alimentaires qui ne soulageront que temporairement la faim des plus pauvres".
Les mesures protectionnistes inhibent en effet depuis des décennies le développement d’une "révolution verte" dans les pays du sud.
En recentrant le débat sur le protectionnisme, Lula met les pays riches devant leurs responsabilités et prouve une fois de plus quel fin politicien il est. L’élimination des barrières douanière est depuis longtemps le principal combat diplomatique du Brésil.

C’est un point que jacques Chirac s’est bien gardé de mentionner lors de sa tribune du 16 avril intitulée "Crise alimentaire : des solutions existent" dans le journal Le Monde. L’ancien président français symbolise à lui seul ce système où l’on ne paye plus les agriculteurs pour le fruit de leur travail mais juste pour qu’ils puissent exister.

Sources: Le Monde, The Latin Americanist

mardi 15 avril 2008

La Chine reprend en main l'industrie du "crushing"

Les autorités chinoises ont hier interdit la construction de nouvelles usines de "crushing" de soja (transformation du grain en huile et en farine) concrétisant ainsi leur volonté de mieux contrôler l’industrie de l’huile alimentaire, aujourd’hui largement aux mains de multinationales étrangères. Cette décision vient à la suite d'une autre prise l’an dernier visant à restreindre les participations étrangères dans les usines de "crushing" à 49%. C’est donc un revers pour les compagnies étrangères telles que Wilmar International (Singapour), Cargill et Bunge (Etats-Unis) qui à eux seuls représentent plus de la moitié de l’industrie chinoise du "crushing" . Ces décisions mettent un frein à leurs ambitions sur le marché chinois, dans lequel elles ont toujours perçu un formidable potentiel de développement.

Le fonctionnaire He Yanli de la Commission Nationale pour le Développement et la Réforme explique ces mesures par la volonté de mieux négocier les prix et de pouvoir contrôler son approvisionnement en huile de soja.
Elles traduisent aussi une inquiétude des autorités face à la dépendance grandissante du pays vis-à-vis des importations de soja. La pression des zones urbaines sur les terres agricoles ainsi que l'appauvrissement des ressources en eau éliminent toute possibilité d'augmenter la production nationale, rendant ainsi inévitable l’importation de l’oléagineux.

Le Financial Times affirme que cette dernière décision est le résultat d’un lobbying intensif de la part des industriels chinois du crushing, soucieux de préserver leurs parts de marché. Ils auront certainement su convaincre les autorités centrales qu’en ces temps d’incertitude sur les prix des commodities agricoles, contrôler la production d’huile de soja est plus stratégique que jamais.

dimanche 13 avril 2008

Cuba prépare son avenir agricole

Raul Castro aura mis peu de temps à annoncer la couleur. Cuba semble prendre un nouveau cap, et entend bien s’inspirer du modèle chinois en mêlant régime autoritaire et économie de marché. Evidemment, Cuba ne deviendra pas la Chine des Caraïbes du jour au lendemain. Mais les réformes du secteur agricoles semblent constituer un début de changement.

La ministre chargée de l'investissement étranger, Marta Lomas, a récemment annoncé une restructuration du modèle agricole cubain, admettant que celui-ci et est dépassé. Les autorités cubaines entendent bien supprimer les structures agricoles collectives datant de la révolution, aujourd’hui devenues complètement inefficaces. Ces réformes ont également pour but de faire venir des investissements étrangers afin d'initier la révolution verte sur l’île. Elles portent aussi l’ambition de décentraliser le modèle agricole, en délégant aux municipalités plus de responsabilités sur la gestion agraire. Ce type d’initiative favorisera sans aucun doute l’émergence de coopératives privées et de petits producteurs indépendants.

On ne peut s’empêcher de penser ce que serait une agriculture cubaine modernisée. Un usage optimisé des terres cubaines pourrait permettre non seulement nourrir à sa faim la population locale mais aussi de développer une production importante d’éthanol. Comme on l’a constaté au Brésil, la production de cannes à sucre a permis à de nombreux paysans de sortir de la pauvreté, et à l’Etat d’engranger d'importantes recettes. Les Etats-Unis semblent déjà très intéressés. Des groupes d'expert de Cuba comme The Association for the Study of the Cuban Economy évaluent la production annuelle potentielle d’éthanol entre 7,5 et 12 milliards de litres, ce qui ferait de cuba le troisième producteur mondial d’éthanol derrière les États-Unis et le Brésil. Cette association suggère que Cuba devrait s'inspirer du programme brésilien sur l'éthanol.
Fidel Castro, qui publiait il y a plus d’un an de cela un pamphlet anti biocarburants intitulé « Réservoirs pleins et estomacs vides », doit s’en retourner dans son lit d’hôpital…

Source: Wired, National Post, Le Monde

mercredi 9 avril 2008

Crise alimentaire: l’ONU s’inquiète pour la sécurité globale

De nombreux hauts fonctionnaires de l’ONU ont récemment manifesté leur inquiétude sur une potentielle crise alimentaire généralisée.

La directrice du Programme Alimentaire des Nations Unies Josette Sheeran, s’était inquiétée le mois dernier « d’un nouveau visage de la faim, qui touche de plus en plus les populations urbaines, incapables de suivre la hausse des prix des denrées alimentaires ». Le Programme Alimentaire a par ailleurs lancé un appel pour lever des fonds. La hausse spectaculaire du prix des soft commodities rend son action de plus en plus délicate. U$D 3 milliards lui sont nécessaires pour continuer à aider plus de 78 millions de personnes à travers le monde.
Le Sous-secrétaire Général aux Affaires Humanitaires John Holmes a de son côté souligné lundi lors d’une conférence à Dubaï que « les implications sécuritaires d’une crise alimentaire ne devraient pas être sous estimées au moment où les émeutes de la faim se multiplient à travers le globe ». Egypte, Haïti et Côte d’Ivoire cette semaine, Cameroun, Indonésie et tant d’autres ces derniers mois…le phénomène semble se diffuser de manière inéluctable dans le tiers monde. Ces émeutes constituent un facteur d’instabilité aggravant dans des pays déjà économiquement fébriles.

L’inquiétude de ces hauts fonctionnaires est donc toute justifiée à l’heure où la violence de ces protestations s’intensifie (plusieurs morts à Haïti, plus de 40 au Cameroun). Le blog Foreign Passport du magazine américain Foreign Policy propose de suivre cette actualité au travers de sa rubrique intitulé Food-riot watch.

Sources: The Guardian, Foreign Policy

mardi 8 avril 2008

Biocarburants Vs. Aliments, Le cas du Brésil

Intéressant reportage de France 24: la production de bioénergie au Brésil ne serait pas en compétition avec la production d’aliments.

lundi 7 avril 2008

La Chine revoit son plan éthanol

La Chine, qui avait récemment stoppé plusieurs projets de production d’éthanol, vient de reprendre l’initiative en revoyant toutefois sa copie. Désirant allouer la production de grain vers la consommation alimentaire, les autorités chinoises envisagent de produire leur éthanol à partir d’autres cultures comme la patate douce ou le manioc.

La Commission Nationale pour le Développement est prête à approuver différents projets de ce type dans les provinces de Hubei, Jiangsu, Jiangxi, Hebei et Chongqing. Le premier producteur national d’éthanol China Agri-Industries Holdings Ltd, a annoncé le mois dernier son intention de construire à Guanxhi une seconde usine d’éthanol utilisant le manioc comme matière première.

Pékin semble vouloir réduire à tout prix sa dépendance au pétrole cher, tout en restant conscient qu’il est impératif que cette volonté n’interfère pas avec la capacité à nourrir sa population. Ce revirement stratégique de la Chine sur la production de biocarburants est un autre signe d’un certain retour à la raison sur ces thématiques. Il s’ajoute à d’autres initiatives de par le monde comme celle prise par l’Union Européenne consistant à ne plus importer de biocarburants dont la production endommage les forêts primaires. L’industrie des biocarburants a plus que jamais besoin de cet assainissement pour faire face à la crise d’image dont elle souffre.

vendredi 4 avril 2008

Louis Dreyfus Commodities mise sur l’Argentine

LDC va investir U$D 130 millions dan le port de Bahia Blanca, (au sud-est de la Province de Buenos Aires). Il s’agit de l’installation de nombreux silos à grain, d’une usine de crushing (transformation du grain de soja en huile et farine), ainsi que d’une importante capacité de stockage d’huile, de farines et de biodiesel. L’investissement couvre également la construction des quais et autres infrastructures portuaires.

Le groupe Dreyfus est présent en Argentine depuis 1925. Ses installations de General Lagos (près de Rosario) regroupent une importante usine de crushing capable de traiter 12.000 tonnes de soja par jour, ainsi qu’une capacité de stockage de grain d’1,1 million de tonnes. C’est sur se site qu’est actuellement en construction une usine de biodiesel qui sera capable à terme de produire 300.000 tonnes par an. LDC possède aussi une autre usine de crushing sur son site de Timbúes (8.000 tonnes/jour).
Autre élément intéressant: la compagnie s'est récemment positionné sur la production laitière en investissant U$D 25 millions dans la construction d'une usine de lait en poudre à San Francisco (Province de Córdoba).

La réduction des marges, conséquence directe de l’application des nouvelles taxes à l’exportation n’a vraisemblablement pas entamé la volonté d’expansion du groupe en Argentine. L’augmentation de sa capacité industrielle n’en est pas l’unique exemple. LDC a également pour objectif d’intégrer à ses activités la production agricole. La multinationale d’origine française a acquis des hectares par milliers tout au long de l’année 2007 au travers de la société Calyx Agro, dont elle est l’actionnaire majoritaire. Cette structure dispose d’un budget total de U$D 200 millions pour acquérir en masse du "campo" dans tous les pays du Mercosur.

Sources: La Nación, InfoBAE

 

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